J’étais inquiète et ce n’était pas peu dire. Les récents événements qui secouaient Forks, l’arrivée de Mélicine et de ses amis sanguinaires n’étaient pas pour me rassurer. Je me sentais … angoissée. La dernière fois que j’avais été réellement angoissée dans ma nouvelle peau de vampire remontait à l’époque où les Volturis voulaient mettre la main sur ma fille et tout notre clan par la même occasion. Mais l’issue avait été heureuse et ensuite…ensuite j’avais été heureuse. Ma fille aussi d’ailleurs qui passait tout son temps auprès de Jacob. Désormais elle ressemblait à une véritable jeune femme et je savais qu’elle ne m’appartenait déjà plus. Elle appartenait déjà à Jacob, et cela depuis toujours certes, mais là, l’écart commençait à se creuser. À chaque fois qu’elle revenait à la maison, je pouvais la sentir à dès kilomètres, tellement elle sentait l’odeur de Jake. À tel point qu’au début, je croyais qu’il l’avait accompagnée pour nous rendre visite. Nessie pourtant, seule, me regardait souriante et soulagée d’avoir respiré un bol d’air frais et profiter de son soleil personnel. Car celui qui autrefois était mon soleil … lui appartenait en retour.

J’aimais mon mari, d’une façon presque intolérable car il m’était difficile de me séparer de lui, mais Jake … j’avais besoin de lui. Presque comme autrefois. Ça n’était parfait que lorsqu’il était là. Il était un morceau de moi. Au même titre que tous les êtres que j’aimais. Aussi, parfois, j’étais prise d’une envie folle de prendre ma voiture et de me rendre à la Push. Mais tout était différent. Quand j’étais humaine et que je jetais mon sac dans la voiture en partance pour la réserve, mon père était joyeux, Billy était joyeux et Jacob l’était encore plus que deux réunis. Certes, j’avais quelques réflexions sur ma condition de « fille à vampires », mais j’étais bien accueillie. Aujourd’hui c’était différent. Je n’étais plus la même. La Bella discrète, maladroite, humaine, inoffensive était désormais une déesse blanche et superbe dont l’odeur se faisait percevoir à des kilomètres à la ronde par les loups. D’autant plus qu’ils étaient sur la défensive à cause du nouvel arrivage de vampires. Seule Nessie avait ses entrées, et comme elle sentait tout autant l’humaine que le vampire, et même le loup, vu le temps qu’elle passait collée à Jacob, elle n’était pas considérée comme une vampire à proprement parlé. Les loups quileutes s’étaient habitués à son odeur. J’aurais aimé qu’ils en fassent de même pour moi, pour que je puisse passer du temps avec ma fille et mon meilleur ami, sans avoir à craindre qu’une meute me tombe sur le dos.

Jake ne donnait plus de nouvelles ces derniers temps. Certes, il voyait Nessie, elle passait son temps en allée retour entre la réserve et la villa Cullen, bien que la plupart de ses arrêts se faisaient à la push. Mais son imprégné était fortement occupé à veiller sur les vampires et à protéger les humains. Il y’avait déjà eu des meurtres, et les loups avaient beaucoup de travail pour délimiter leur frontière, bien que leur odeur n’attirait pas les vampires, elle en intriguait certains.

Je savais que ce qui me passait par la tête n’était pas très censé, d’autant qu’Alice allait cesser de me percevoir si j’osais aller à la réserve, mais je ne pouvais pas résister. Mon instinct protecteur devait vérifier que là où ma fille était, sa sécurité était assurée, autant que je devais m’assurer que son loup soit lui aussi en bon état.

Depuis que j’étais vampire, je ne prenais quasiment jamais la voiture. Mais pour une fois, je songeais que ça serait plus prudent. Débarquer en courant dans la forêt quileute risquait de me voir poursuivie par une meute de loup. Je prie donc la voiture la moins tape à l’œil que nous avions au garage, la volvo argentée d’Edward. Je me callais sur mon siège avec l’assurance que tout irait bien. Je démarrais en trombe, par trop habituée à la vitesse, je ralentissais pour me comporter de façon plus humaine. Quand Edward roulait vite du temps de mon humanité, cela me choquais, je ne pouvais pas aujourd’hui lui prouver qu’il avait raison.

Quand je passais la frontière invisible qui séparait les vampires des loups, je respirais profondément, bien que ce soit inutile… Avant cette frontière n’en était pas une pour moi. Ou seulement un endroit où était séparés les gens que j’aimais les uns des autres. Aujourd’hui c’était fait, j’étais une vampire.

Pourtant, ma fille portait mon odeur et j’avais prouvé à quel point les loups comptaient pour moi, le traité avait été trahi plusieurs fois en cinq ans, et je venais en paix, comme toujours. J’étais Bella, le comprendraient-ils ?

Je m’arrêtais devant chez Billy. Jacob ne passait pas beaucoup de temps chez son père, les rondes imposantes que l’arrivée de Mélicine et de ses sbires lui imposaient devaient lui prendre tout son temps, quant il ne décidait pas d’en consacrer à ma fille. Et le reste du temps devait être celui du repos. Je frappais à la porte, Billy m’ouvrit presque aussitôt. Il fut surprit de me reconnaitre, d’habitude c’était Nessie qui, dès le lycée terminé, allait chez les Black, sauf qu’elle n’avait pas besoin de frapper, la porte s’ouvrait avant même qu’elle eût sorti les pieds de sa voiture, comme moi, avant…

Billy n’était pas encore vraiment habitué à mon changement physique, il ne m’avait vu qu’à de rares occasions depuis ma transformation. Voilà pourquoi, bien qu’il me laissa rentrer et me fit signe de patienter pendant qu’il allait voir si Jacob était réveillé, je notais qu’il avait du mal à cesser de me regarder. Il devait aussi se demander s’il n’y avait rien de grave. La présence d’un vampire sur le territoire interdit était surprenante. Bien que je ne me considérais pas, au risque de passer pour orgueilleuse, pour une vampire comme une autre. J’étais la mère d’une hybride qui était la petite amie de mon meilleur ami loup-garou. J’avais le droit de parler avec lui, non ?

Autrefois j’aurais été jusqu’à la chambre de Jake, ou je me serais affalée sur le canapé en attendant son retour. Cette fois vampire, ma dernière visite remontait à trop longtemps pour que je me permette ces familiarités. La maison avait changé, bien que j’y reconnaissais l’odeur, le calme qui m’avait souvent procuré un sentiment de sécurité. Je me tenais près de la fenêtre, croisais les bras pour avoir l’air plus humaine, car ma position de statue, bien qu’elle soit confortable pour moi, ne ferait qu’accentuer l’écart qui s’était creusée entre le passé et maintenant.

Pourtant, je me sentais humaine sous certains aspects. Ne serait-ce que par mon désir de revoir Jacob. Son sourire, sa chaleur. Avant l’arrivée de Mélicine, je voyais souvent Jake. Ces dernières semaines quant à elles, m’en avaient séparée, ce qui m’était intolérable.