Voilà quelques jours que Mélicine avait débarqué dans nos vies. Et je me sentais complètement dépassé.

Tout avait commencé il y’a deux semaines, alors que je venais juste d’embrasser Esmée, Alice avait frappé à notre porte. Je lui avais donné l’autorisation d’entrer sans pour autant lâcher mon épouse que je tenais dans mes bras. Nous étions une famille. Nous étions heureux depuis plusieurs années, sans autre soucis que de s’occuper, de s’amuser, et de prendre soin les uns des autres. Je crois que je n’avais jamais vu Esmée plus heureuse, quand elle voyait que tous ses enfants étaient épanouis, que Edward avait enfin trouvé le bonheur à l’exemple de ses frères et sœurs et que nous avions de la vie dans cette maison qui autrefois en était désertée, par la présence de Renesmée.

Mais le regard d’Alice me surprit aussitôt. Elle venait de voir l’arrivée imminente de Mélicine, dont elle ignorait qui elle était. Elle l’avait décrite d’après sa vision, et j’avais répondu que c’était quelqu’un que j’avais connu à Volterra. J’avais vu aussitôt dans le regard d’Esmée la tristesse. Tristesse que ce soit un pan de ma vie dont je ne lui avais jamais parlé. Mais j’avais tellement honte de cette période où j’avais cru pouvoir m’allier aux sanguinaires.

À ce jour, je m’étais préparé à l’arrivée de Mélicine, et aussitôt au fait qu’Aro était apparemment mort, d’après l’autre vision d’Alice, qui avait également vu des combats se déchainer à Volterra. Tout le monde vampirique était en ébullition, et je ne savais pas comment nous allions pouvoir nous sortir de ce chaos.

Lorsque Mélicine avait débarqué chez moi, avec quelques uns de ses partisans, j’avais été rattrapé par le passé. Cette femme que j’avais aimé… tant aimé … au point de l’épouser… Cette femme qui m’avait trahi. Cette femme qui m’avait manqué, mais de qui je m’étais reconstruit. J’avais trouvé le bonheur ensuite, un bonheur vrai et pur. Et pour rien au monde j’aurais voulu le perdre.

Mélicine m’avait prit à part pour me faire savoir qu’elle souhaitait prendre le pouvoir à mes côtés. J’avais refusé d’un bloc. J’étais marié désormais, et j’avais une famille que j’aimais. Une femme aussi. Mélicine n’était plus ma femme depuis bien longtemps…
Bien qu’elle n’avait pas insisté outre mesure je savais que Mélicine comptait renouveler sa demande, sa prétention au trône et en tant qu’épouse. En attendant, elle s’était installée avec ses comparses à la villa, prenant d’assaut les chambres d’amis. Et d’autres vampires, par delà le monde s’étaient mis à débarquer… J’avais peur pour ma famille et les habitants de forks désormais.

J’avais aussi peur d’affronter Esmée. Je ne lui avais pas encore expliqué ce qui s’était réellement produit à Volterra, et Esmée se montrait toujours intègre à mes côtés, fidèle et obéissante, et je n’avais pas le sentiment de mériter autant de douceur. Il faudrait que je prenne un temps pour tout lui expliquer.

Mais avant…avant il est vrai, je me sentais un peu tourmenté par les douleurs et les émotions que la présence de Mélicine avait fait ressurgir. Une partie de moi était totalement écœurée par elle, mais une autre, je le savais, l’aimais encore. Et c’est cette partie qui me faisait peur, car j’avais peur de ne pas savoir être assez intraitable envers elle, et que de ce fait, sa présence perdure à nos côtés et mette en danger les miens, comme c’était déjà le cas de Forks.

Je m’arrêtais près de la fenêtre du salon, plongé dans mes pensées. C’était rare que toute la famille ne soit pas réunie dans cette pièce, à lire, à pianoter sur les ordinateurs, à discuter… Mais avec l’arrivée d’étrangers chez nous, beaucoup des miens passaient du temps ailleurs, qui dans le cottage d’Edward et Bella, qui dans la forêt, qui en ville… tout pour échapper à nos assaillants autant que pour protéger les nôtres et les humains…

C’est là que je sentis une présence dans mon dos. Mélicine était encore là. Mes points se refermèrent en même temps que mes yeux, sur les souvenirs torrides de notre idylle.

Bien sûr elle n’allait pas se contenter d’être là, cela ne lui ressemblait pas de toute façon. Mélicine devait toujours continuer à conquérir ce qu’elle désirait et elle avait de nombreuses armes pour arriver à ses fins. Je devais admettre que sa patience en était l’une des plus acérées. Mélicine ne craignait pas d’attendre. Comme elle avait su m’amadouer lentement à Volterra, attendre même d’être mon épouse pour que nous consommions notre amour à l’époque, elle savait encore jouer de modestie et de recul lorsqu’il le fallait. Puis, l’instant venu, elle savait piquer, fondre sur sa proie à une vitesse démentielle qui ne laissait pas le temps de réagir, pas même pour un vampire. Elle était un danger. Un danger savoureux, dans les abysses duquel je n’avais eu aucune difficulté à me noyer autrefois. J’avais adoré son sourire, presque enfant, sa beauté, radieuse, fine, parfaite, son corps … qui n’était qu’une flamme contre le mien, comme si elle avait été ciselée pour moi, pour se souder à mon être.

C’était la première femme que j’avais aimé, dont j’avais été fou. À ses côtés, j’avais presque eu l’impression que je n’étais pas un monstre, que j’étais devenu un vampire juste pour la connaitre un jour, l’aider à cesser d’être une sanguinaire, lui permettre de se racheter et de devenir un être bon, qui connaitrait le bonheur, parce que je ferais partie des éléments de son univers que pourrait le lui apprendre. Pendant quelques temps, j’avais pensé que j’étais venu au monde … en tant que vampire, pour elle, et que tout autre acte ténébreux ne valait plus rien. J’avais été le plus heureux des hommes, des vampires du moins.

Je me retournais lentement vers elle, elle était toute proche, silencieuse après les quelques mots qui traduisaient sa franchise habituelle. Elle savait me parler. Elle me connaissait depuis longtemps. Elle ne m’avait pas oublié, car dans un esprit parfait, les choses restent intactes, semblables, aussi semblables qu’on les a comprises du moins à l’époque. Car nos points de vue différaient. Encore aujourd’hui d’ailleurs. Je pris sur moi de ne pas noter combien elle était belle, encore plus maintenant dans ces vêtements actuels qui révélaient encore plus ses atouts, sous cette chevelure sombre et bouclée dont je me souvenais avoir si souvent glissé mes narines, avides d’un parfum subtile et voluptueux.

-Non je n’ai pas oublié Mélicine, finis-je par dire en m’efforçant de ne regarder que ses yeux, je t’aimais. Comme un fou. Je découvrais l’amour. J’étais déjà âgé et pourtant jeune tu vois …. Je n’ai pas oublié notre bonheur… Du moins, la vision déformée que j’en avais.

Je pris une profonde inspiration, évitant de la regarder, détournant les yeux vers le silence de la demeure.

-Je n’ai pas oublié non plus ta promesse de ne plus faire de mal aux humains … et encore moins celle de ne jamais me trahir … d’être mienne pour toujours.

Je relevais les yeux vers elle, la douleur était encore là et je m’étonnais qu’elle reprenne le dessus, après tant d’années de reconstruction, tant d’année à me constituer un sourire parfait dont personne n’eut pu soupçonner qu’il cachait une telle blessure. Pourquoi fallait-il qu’avec sa présence revienne la douleur ? Était-ce parce que je l’aimais encore… trop ?

-Je n’ai pas oublié quand tu as trahi cette promesse … quand tu m’as trompé … quand tu as tué… Nous sommes trop différent Mélicine. Et je pensais que ces actes et ce que j’avais dit et fait ensuite avait définitivement détruit ce qu’il y’avait entre nous. Je pensais que c'était également clair pour toi. Vampire ou pas, immortels ou pas, un divorce reste un divorce. Peu importe que nous survolions les âges, peu importe que tu sois si puissante, il y'a des règles à respecter.